samedi 4 juin 2011

Louba-Loub 4 : Kyra la bouddhiste

J'ai une cousine, mais je ne l'ai vue qu'une seule fois et je n'avais que six mois.
Elle aussi porte un sobriquet ridicule, et ses humains se sont creusé la cervelle pour le dénicher, c'est vraiment désolant : Kyra.
Oui, pour "Chat-kyra". D'accord, elle a échappé à "Podepaille", "Lumo", "Badabada" ou "Loupedubassin", mais tout de même. En plus, ils sont complètement passés à côté de sa personnalité. Si "Louba" sonne assez chasseuse sans peur ni loi à mon goût, Kyra n'a rien d'une blonde latine au déhanché diabolique.
Non, elle, c'est une bouddhiste.
J'admire son indéfectible  conviction. Elle ne perd pas d'énergie en vocalises, comme je peux le faire. Sa technique est stupéfiante : elle s'assied devant la porte et la fixe, sans ciller (enfin, façon de parler, nous n'avons pas de cils). Et tôt ou tard, la porte s'ouvre.
Idem quand un combat se profil. Moi, d'accord, je ne fais pas toujours ma fière quand je croise un pigeon, mais au moins je m'aplatis et gigote les fesses comme mes instincts africains les plus archaiques me le dictent. Elle, non. C'est une non-violente, élevée par des soixante-huitards. Elle tourne la queue, rabat les oreilles, et se carapate. Elle ne tue pas son prochain, qu'il soit oiseau ou ver de terre. Elle prône la paix en toute circonstance.
Et son énergie, elle la garde pour méditer. Elle est capable de s'oublier dans la plus profonde réflexion mystique à tout moment, sur n'importe quel support. Elle médite sur les lits, les chaises, contre les planches de la terrasse, sur le coco du salon. Constemment, et profondément.
Kyra, ma vénérable cousine de haute-Normandie, tu me manques. J'espère pouvoir apprendre de toi, lors d'une future rencontre. Si Humain n'°1 se décide à m'emmener dans ses bagages, pour une fois.

vendredi 3 juin 2011

Louba-Loub 3 : Frip la résistante

Cette aventure de Louba est spécialement dédicacée à Annabelle :)



Je me promenais l'autre soir sur mes terres quand j'ai entendu le son effrayant d'un molosse en pleine chasse. Je sais ce que sais, je hais les chiens.
Je me suis avancée telle une ombre (pleine de grâce, toujours) jusqu'au petit terrain de jeux où les portées d'humains viennent s'ébattre de temps en temps. Un beau buisson bien touffu a merveilleusement camouflé mes superbes rayures anthracites (et sur le ventre, j'ai des points comme mon cousin le guépard, mais je vous ferai l'honneur de ma description détaillée dans un prochain numéro).
Et là, j'ai vu une Chatte Du Quartier totalement inconnue, se tenant droite au milieu de la rue, telle un sphynx gonflé d'orgeuil face aux assauts hargneux de l'ennemi canin (et terriblement laid par dessus ça, l'ennemi canin. Un genre de truc sans queue ni tête).
Elle se tenait simplement là, sans bouger d'un poil, alors que le chien s'excitait tout seul en répétant une ronde interminable autour d'elle à grand renfort de jappements.
Jamais je n'ai vu pareil tableau, mes amis. C'était le stoïcisme fait chatte.
C'est alors que la porte d'un immeuble s'est ouverte, et qu'un Humain est apparu. J'ai bien entendu, cet humain l'a appellée "Frip". Oui, "Frip". Cette magnigique déesse de la résistance féline, portant sur ses épaules tous les espoirs de notre quartier, de notre chère place Fouque, voire peut-être du monde entier... S'appelait "Frip".
Nous parce que déjà, "Louba", ça passe difficilement (je me console en me disant qu'en y rajoutant un "r" à la fin, ça fait guerrière des stèppes de russie), mais alors "Frip" ? Pourquoi ces humains s'acharnent-ils à nous accabler de ridicule ?
"Frip", malgré ton terrible patronyme, je te vénère. Depuis cette nuit, tu es mon idole.
A plus tard sur nos terres, camarade.

jeudi 2 juin 2011

Louba-loub 2 : Lulu et la porte fermée


Un de mes moments préférés : cracher sur l’Autre Chatte quand Humain n°1 nous remonte du jardin. Elle croit toujours arriver aux gamelles avant moi, et souvent, elle y arrive (je ne peux pas m’empêcher de
« checker » le salon avant de rejoindre la cuisine, et elle profite de ces quelques secondes d’inattention pour piquer un sprint jusqu’aux croquettes. La nature est mal faite : je suis sûre que c’est sa queue d’écureuil qui lui donne une meilleure entrée dans l’air, et cette rapidité de Super Souris).
Mais je m’en fiche. Je boulotte toutes ses Friskies avant les miennes dès qu’elle a le dos tourné.
Après cette délectable vengeance, je me dirige d’un pas nonchalant vers la chambre d’Humain n°1. Et là, horreur : la porte est fermée.
Enfin, pas fermée au sens propre du terme, disons plutôt « point assez entrouverte ». Et  je suis un chat. Je ne me fatiguerai jamais à gratter contre le chambranle, version labrador bien éduqué. Non. Je miaule.
Et pas un petit miaulement de jeune chaton mal sevré ; non, un beau miaulement déchirant et absolument insupportable pour Humain n°1. Je le sais bien, elle ne résiste jamais.
Je l’entends soupirer derrière la paroi. Puis ses pas s’approchent, la porte s’ouvre… Oh, bonheur. A nous deux, plaid vert pomme :)
Et qu’on ne me dérange plus : je sieste.

Louba-Loub 1 : un matin de printemps

Humain n°1 m’a descendue dans le jardin ce matin, et c’était juste la plus belle journée qu’on puisse imaginer. Le soleil, chaud sur le poil, la terre tiède à la surface et fraîche quand on s’y roule. Je n’ai pas pu résister, j’ai roulé dedans. Jusqu’à ce qu’un de ces engins débarque dans la rue en faisant un bruit du tonnerre ; alors je me suis redressée subitement et j’ai bien entendu Humain n°1 rire. Elle rit toujours quand je réagis comme ça, mais je n’y peux rien, je ne choisis pas. Et qu’est-ce qu’ils ont ces animaux stupides à se jucher sur des machines d’enfer pour pétarader dans les rues ? Et par un si beau matin de printemps, quand on peut simplement sauter sur les toits ? Je ne comprends rien aux humains. Rien. Et j’ai arrêté d’essayer (je n’ai que deux ans, c’est triste, tout de même). Heureusement que Humain n°1 sait aussi me donner ces gratouilles derrière l’oreille que j’aime tant. Ça me réconcilie un peu avec leur espèce :)